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LES ROUGON-MACQUART.

— À Mirou ! il y a des traîtres au fond !… À Mirou ! à Mirou !

D’un geste, il avait refoulé la bande sur le chemin de gauche, tandis que Jeanlin, reprenant la tête, soufflait plus fort. Un grand remous se produisit. Gaston-Marie, pour cette fois, était sauvé.

Et les quatre kilomètres qui les séparaient de Mirou furent franchis en une demi-heure, presque au pas de course, à travers la plaine interminable. Le canal, de ce côté, la coupait d’un long ruban de glace. Seuls, les arbres dépouillés des berges, changés par la gelée en candélabres géants, en rompaient l’uniformité plate, prolongée et perdue, dans le ciel de l’horizon, comme dans une mer. Une ondulation des terrains cachait Montsou et Marchiennes, c’était l’immensité nue.

Ils arrivaient à la fosse, lorsqu’ils virent un porion se planter sur une passerelle du criblage, pour les recevoir. Tous connaissaient fort bien le père Quandieu, le doyen des porions de Montsou, un vieux tout blanc de peau et de poils, qui allait sur ses soixante-dix ans, un vrai miracle de belle santé dans les mines.

— Qu’est-ce que vous venez fiche par ici, tas de galvaudeux ? cria-t-il.

La bande s’arrêta. Ce n’était plus un patron, c’était un camarade ; et un respect les retenait devant ce vieil ouvrier.

— Il y a des hommes au fond, dit Étienne. Fais-les sortir.

— Oui, il y a des hommes, reprit le père Quandieu, il y en a bien six douzaines, les autres ont eu peur de vous, méchants bougres !… Mais je vous préviens qu’il n’en sortira pas un, ou que vous aurez affaire à moi !

Des exclamations coururent, les hommes poussaient, les femmes avancèrent. Vivement descendu de la passerelle, le porion barrait la porte, maintenant.