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GERMINAL.

Alors, Maheu voulut intervenir.

— Vieux, c’est notre droit, comment arriverons-nous à ce que la grève soit générale, si nous ne forçons pas les camarades à être avec nous ?

Le vieux demeura un moment muet. Évidemment, son ignorance en matière de coalition égalait celle du haveur. Enfin, il répondit :

— C’est votre droit, je ne dis pas. Mais, moi, je ne connais que la consigne… Je suis seul, ici. Les hommes sont au fond pour jusqu’à trois heures, et ils y resteront jusqu’à trois heures.

Les derniers mots se perdirent dans des huées. On le menaçait du poing, déjà les femmes l’assourdissaient, lui soufflaient leur haleine chaude à la face. Mais il tenait bon, la tête haute, avec sa barbiche et ses cheveux d’un blanc de neige ; et le courage enflait tellement sa voix, qu’on l’entendait distinctement, par dessus le vacarme.

— Nom de Dieu ! vous ne passerez pas !… Aussi vrai que le soleil nous éclaire, j’aime mieux crever que de laisser toucher aux câbles… Ne poussez donc plus, je me fous dans le puits devant vous !

Il y eut un frémissement, la foule recula, saisie. Lui, continuait :

— Quel est le cochon qui ne comprend pas ça ?… Moi, je ne suis qu’un ouvrier comme vous autres. On m’a dit de garder, je garde.

Et son intelligence n’allait pas plus loin, au père Quandieu, raidi dans son entêtement du devoir militaire, le crâne étroit, l’œil éteint par la tristesse noire d’un demi-siècle de fond. Les camarades le regardaient, remués, ayant quelque part en eux l’écho de ce qu’il leur disait, cette obéissance du soldat, la fraternité et la résignation dans le danger. Il crut qu’ils hésitaient encore, il répéta :