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GERMINAL.

contre lui. Elle l’aurait défendu, sans tendresse, pour l’orgueil.

— Va-t’en ! répéta violemment Maheu.

Cet ordre de son père ralentit un instant sa course. Elle tremblait, des larmes gonflaient ses paupières. Puis, malgré sa peur, elle reprit sa place, toujours courant. Alors, on la laissa.

La bande traversa la route de Joiselle, suivit un instant celle de Cron, remonta ensuite vers Cougny. De ce côté, des cheminées d’usine rayaient l’horizon plat, des hangars de bois, des ateliers de briques, aux larges baies poussiéreuses, défilaient le long du pavé. On passa coup sur coup près des maisons basses de deux corons, celui des Cent-Quatre-Vingts, puis celui des Soixante-Seize ; et, de chacun, à l’appel de la corne, à la clameur jetée par toutes les bouches, des familles sortirent, des hommes, des femmes, des enfants, galopant eux aussi, se joignant à la queue des camarades. Quand on arriva devant Madeleine, on était bien quinze cents. La route dévalait en pente douce, le flot grondant des grévistes dut tourner le terri, avant de se répandre sur le carreau de la mine.

À ce moment, il n’était guère plus de deux heures. Mais les porions, avertis, venaient de hâter la remonte ; et, comme la bande arrivait, la sortie s’achevait, il restait au fond une vingtaine d’hommes, qui débarquèrent de la cage. Ils s’enfuirent, on les poursuivit à coups de pierres. Deux furent battus, un autre y laissa une manche de sa veste. Cette chasse à l’homme sauva le matériel, on ne toucha ni aux câbles ni aux chaudières. Déjà le flot s’éloignait, roulait sur la fosse voisine.

Celle-ci, Crèvecœur, ne se trouvait qu’à cinq cents mètres de Madeleine. Là, également, la bande tomba au milieu de la sortie. Une herscheuse y fut prise et fouettée par les femmes, la culotte fendue, les fesses à