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LES ROUGON-MACQUART.

— Je me fous dans le puits devant vous !

Une grande secousse remporta la bande. Tous avaient tourné le dos, la galopade reprenait sur la route droite, filant à l’infini, au milieu des terres. De nouveau, les cris s’élevaient :

— À Madeleine ! à Crèvecœur ! plus de travail ! du pain, du pain !

Mais, au centre, dans l’élan de la marche, une bousculade avait lieu. C’était Chaval, disait-on, qui avait voulu profiter de l’histoire pour s’échapper. Étienne venait de l’empoigner par un bras, en menaçant de lui casser les reins, s’il méditait quelque traîtrise. Et l’autre se débattait, protestait rageusement :

— Pourquoi tout ça ? est-ce qu’on n’est plus libre ?… Moi, je gèle depuis une heure, j’ai besoin de me débarbouiller. Lâche-moi !

Il souffrait en effet du charbon collé à sa peau par la sueur, et son tricot ne le protégeait guère.

— File, ou c’est nous qui te débarbouillerons, répondait Étienne. Fallait pas renchérir en demandant du sang.

On galopait toujours, il finit par se tourner vers Catherine, qui tenait bon. Cela le désespérait, de la sentir près de lui, si misérable, grelottante sous sa vieille veste d’homme, avec sa culotte boueuse. Elle devait être morte de fatigue, elle courait tout de même pourtant.

— Tu peux t’en aller, toi, dit-il enfin.

Catherine parut ne pas entendre. Ses yeux, en rencontrant ceux d’Étienne, avaient eu seulement une courte flamme de reproche. Et elle ne s’arrêtait point. Pourquoi voulait-il qu’elle abandonnât son homme ? Chaval n’était guère gentil, bien sûr ; même il la battait, des fois. Mais c’était son homme, celui qui l’avait eue le premier ; et cela l’enrageait qu’on se jetât à plus de mille