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LES ROUGON-MACQUART.

rêvait que le régiment dont les postes gardaient les fosses, passait à la grève, fusillait la Compagnie en bloc et donnait enfin la mine aux mineurs.

Il s’aperçut alors qu’il montait sur le terri, la tête bourdonnante de ces réflexions. Pourquoi ne causerait-il pas avec ce soldat ? Il saurait la couleur de ses idées. D’un air indifférent, il continuait de s’approcher, comme s’il eût glané les vieux bois, restés dans les déblais. La sentinelle demeurait immobile.

— Hein ? camarade, un fichu temps ! dit enfin Étienne. Je crois que nous allons avoir de la neige.

C’était un petit soldat, très blond, avec une douce figure pâle, criblée de taches de rousseur. Il avait, dans sa capote, l’embarras d’une recrue.

— Oui, tout de même, je crois, murmura-t-il.

Et, de ses yeux bleus, il regardait longuement le ciel livide, cette aube enfumée, dont la suie pesait comme du plomb, au loin, sur la plaine.

— Qu’ils sont bêtes de vous planter là, à vous geler les os ! continua Étienne. Si l’on ne dirait pas que l’on attend les Cosaques !… Avec ça, il souffle toujours un vent, ici !

Le petit soldat grelottait sans se plaindre. Il y avait bien une cabane en pierres sèches, où le vieux Bonnemort s’abritait, par les nuits d’ouragan ; mais, la consigne étant de ne pas quitter le sommet du terri, le soldat n’en bougeait pas, les mains si raides de froid, qu’il ne sentait plus son arme. Il appartenait au poste de soixante hommes qui gardait le Voreux ; et, comme cette cruelle faction revenait fréquemment, il avait déjà failli y rester, les pieds morts. Le métier voulait ça, une obéissance passive achevait de l’engourdir, il répondait aux questions par des mots bégayés d’enfant qui sommeille.

Vainement, pendant un quart d’heure, Étienne tâcha de le faire parler sur la politique. Il disait oui, il disait