Page:Zola - Germinal.djvu/443

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
443
GERMINAL.

en Angleterre. À la longue, cependant, la méfiance commençait, des farceurs l’accusaient de se cacher dans une cave, où la Mouquette lui tenait chaud ; car cette liaison connue lui avait fait du tort. C’était, au milieu de sa popularité, une lente désaffection, la sourde poussée des convaincus pris de désespoir, et dont le nombre, peu à peu, devait grossir.

— Quel chien de temps ! ajouta-t-il. Et vous, rien de nouveau, toujours de pire en pire ?… On m’a dit que le petit Négrel était parti en Belgique chercher des Borains. Ah ! nom de Dieu, nous sommes fichus, si c’est vrai !

Un frisson l’avait saisi, en entrant dans cette pièce glacée et obscure, où ses yeux durent s’accoutumer pour voir les malheureux, qu’il y devinait, à un redoublement d’ombre. Il éprouvait cette répugnance, ce malaise de l’ouvrier sorti de sa classe, affiné par l’étude, travaillé par l’ambition. Quelle misère, et l’odeur, et les corps en tas, et la pitié affreuse qui le serrait à la gorge ! Le spectacle de cette agonie le bouleversait à un tel point, qu’il cherchait des paroles, pour leur conseiller la soumission.

Mais, violemment, Maheu s’était planté devant lui, criant :

— Des Borains ! ils n’oseront pas, les jeans-foutre !… Qu’ils fassent donc descendre des Borains, s’ils veulent que nous démolissions les fosses !

D’un air de gêne, Étienne expliqua qu’on ne pourrait pas bouger, que les soldats qui gardaient les fosses protégeraient la descente des ouvriers belges. Et Maheu serrait les poings, irrité surtout, comme il disait, d’avoir ces bayonnettes dans le dos. Alors, les charbonniers n’étaient plus les maîtres chez eux ? on les traitait donc en galériens, pour les forcer au travail, le fusil chargé ? Il aimait son puits, ça lui faisait une grosse peine de n’y être pas descendu depuis deux mois. Aussi voyait-il