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GERMINAL.

la mère, la sœur, tenant leurs coiffes emportées, regardant, elles aussi, comme si elles avaient pu voir ce que faisait à cette heure le petit, au delà des lieues qui les séparaient. Elles l’attendraient toujours, maintenant. Quelle abominable chose, de se tuer entre pauvres diables, pour les riches !

Mais il fallait faire disparaître ce cadavre. Étienne songea d’abord à le jeter dans le canal. La certitude qu’on l’y trouverait, l’en détourna. Alors, son anxiété devint extrême, les minutes pressaient, quelle décision prendre ? Il eut une soudaine inspiration : s’il pouvait porter le corps jusqu’à Réquillart, il saurait l’y enfouir à jamais.

— Viens ici, dit-il à Jeanlin.

L’enfant se méfiait.

— Non, tu veux me battre. Et puis, j’ai des affaires. Bonsoir.

En effet, il avait donné rendez-vous à Bébert et à Lydie, dans une cachette, un trou ménagé sous la provision des bois, au Voreux. C’était toute une grosse partie, de découcher, pour en être, si l’on cassait les os des Belges à coups de pierres, quand ils descendraient.

— Écoute, répéta Étienne, viens ici, ou j’appelle les soldats, qui te couperont la tête.

Et, comme Jeanlin se décidait, il roula son mouchoir, en banda fortement le cou du soldat, sans retirer le couteau, qui empêchait le sang de couler. La neige fondait, il n’y avait, sur le sol, ni flaque rouge, ni piétinement de lutte.

— Prends les jambes.

Jeanlin prit les jambes, Étienne empoigna les épaules, après avoir attaché le fusil derrière son dos ; et tous deux, lentement, descendirent le terri, en tâchant de ne pas faire débouler les roches. Heureusement, la lune s’était voilée. Mais, comme ils filaient le long du canal,