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LES ROUGON-MACQUART.

— Tiens ! tu n’es pas encore parti !

Puis, il avoua, il retournait à la fosse. Sans doute, il avait juré ; seulement, ce n’était pas une existence, d’attendre les bras croisés des choses qui arriveraient dans cent ans peut-être ; et, d’ailleurs, des raisons à lui le décidaient.

Souvarine l’avait écouté, frémissant. Il l’empoigna par une épaule, il le rejeta vers le coron.

— Rentre chez toi, je le veux, entends-tu !

Mais, Catherine s’étant approchée, il la reconnut, elle aussi. Étienne protestait, déclarait qu’il ne laissait à personne le soin de juger sa conduite. Et les yeux du machineur allèrent de la jeune fille au camarade ; tandis qu’il reculait d’un pas, avec un geste de brusque abandon. Quand il y avait une femme dans le cœur d’un homme, l’homme était fini, il pouvait mourir. Peut-être revit-il, en une vision rapide, là-bas, à Moscou, sa maîtresse pendue, ce dernier lien de sa chair coupé, qui l’avait rendu libre de la vie des autres et de la sienne. Il dit simplement :

— Va.

Gêné, Étienne s’attardait, cherchait une parole de bonne amitié, pour ne pas se séparer ainsi.

— Alors, tu pars toujours ?

— Oui.

— Eh bien ! donne-moi la main, mon vieux. Bon voyage et sans rancune.

L’autre lui tendit une main glacée. Ni ami, ni femme.

— Adieu, pour tout de bon, cette fois.

— Oui, adieu.

Et Souvarine, immobile dans les ténèbres, suivit du regard Étienne et Catherine, qui entraient au Voreux.