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GERMINAL.

Ils s’habillèrent dans les ténèbres, avec mille précautions. Elle, secrètement, avait préparé la veille ses vêtements de mineur ; lui, dans l’armoire, prit une veste et une culotte ; et ils ne se lavèrent pas, par crainte de remuer la terrine. Tous dormaient, mais il fallait traverser le couloir étroit, où couchait la mère. Quand ils partirent, le malheur voulut qu’ils butèrent contre une chaise. Elle s’éveilla, elle demanda, dans l’engourdissement du sommeil :

— Hein ? qui est-ce ?

Catherine, tremblante, s’était arrêtée, en serrant violemment la main d’Étienne.

— C’est moi, ne vous inquiétez pas, dit celui-ci. J’étouffe, je sors respirer un peu.

— Bon, bon.

Et la Maheude se rendormit. Catherine n’osait plus bouger. Enfin, elle descendit dans la salle, elle partagea une tartine qu’elle avait réservée sur un pain, donné par une dame de Montsou. Puis, doucement, ils refermèrent la porte, ils s’en allèrent.

Souvarine était demeuré debout, près de l’Avantage, à l’angle de la route. Depuis une demi-heure, il regardait les charbonniers qui retournaient au travail, confus dans l’ombre, passant avec leur sourd piétinement de troupeau. Il les comptait, comme les bouchers comptent les bêtes, à l’entrée de l’abattoir ; et il était surpris de leur nombre, il ne prévoyait pas, même dans son pessimisme, que ce nombre de lâches pût être si grand. La queue s’allongeait toujours, il se raidissait, très froid, les dents serrées, les yeux clairs.

Mais il tressaillit. Parmi ces hommes qui défilaient, et dont il ne distinguait pas les visages, il venait pourtant d’en reconnaître un, à sa démarche. Il s’avança, il l’arrêta.

— Où vas-tu ?

Étienne, saisi, au lieu de répondre, balbutiait.