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LES ROUGON-MACQUART.

Déjà, il était dans l’étroit baquet, qui vacillait à l’extrémité du câble ; et, tenant d’une main sa lampe, serrant de l’autre la corde du signal, il cria lui-même au machineur :

— Doucement !

La machine mit en branle les bobines, Négrel disparut dans le gouffre, d’où montait toujours le hurlement des misérables.

En haut, rien n’avait bougé. Il constata le bon état du cuvelage supérieur. Balancé au milieu du puits, il virait, il éclairait les parois : les fuites, entre les joints, étaient si peu abondantes, que sa lampe n’en souffrait pas. Mais, à trois cents mètres, lorsqu’il arriva au cuvelage inférieur, elle s’éteignit selon ses prévisions, un jaillissement avait empli le cuffat. Dès lors, il n’eut plus pour y voir que la lampe pendue, qui le précédait dans les ténèbres. Et, malgré sa témérité, un frisson le pâlit, en face de l’horreur du désastre. Quelques pièces de bois restaient seules, les autres s’étaient effondrées avec leurs cadres ; derrière, d’énormes cavités se creusaient, les sables jaunes, d’une finesse de farine, coulaient par masses considérables ; tandis que les eaux du Torrent, de cette mer souterraine aux tempêtes et aux naufrages ignorés, s’épanchaient en un dégorgement d’écluse. Il descendit encore, perdu au centre de ces vides qui augmentaient sans cesse, battu et tournoyant sous la trombe des sources, si mal éclairé par l’étoile rouge de la lampe, filant en bas, qu’il croyait distinguer des rues, des carrefours de ville détruite, très loin, dans le jeu des grandes ombres mouvantes. Aucun travail humain n’était plus possible. Il ne gardait qu’un espoir, celui de tenter le sauvetage des hommes en péril. À mesure qu’il s’enfonçait, il entendait grandir le hurlement ; et il lui fallut s’arrêter, un obstacle infranchissable barrait le puits, un amas de charpentes, les madriers rompus des guides, les