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LES ROUGON-MACQUART.

Et Catherine, secouée, étourdie de cet effondrement continu, joignait les mains, bégayait les mêmes mots, sans relâche :

— Je ne veux pas mourir… Je ne veux pas mourir…

Pour la rassurer, Étienne jurait que l’eau ne bougeait plus. Leur fuite durait bien depuis six heures, on allait descendre à leur secours. Et il disait six heures sans savoir, la notion exacte du temps leur échappait. En réalité, un jour entier s’était écoulé déjà, dans leur montée au travers de la veine Guillaume.

Mouillés, grelottants, ils s’installèrent. Elle se déshabilla sans honte, pour tordre ses vêtements ; puis, elle remit la culotte et la veste, qui achevèrent de sécher sur elle. Comme elle était pieds nus, lui, qui avait ses sabots, la força à les prendre. Ils pouvaient patienter maintenant, ils avaient baissé la mèche de la lampe, ne gardant qu’une lueur faible de veilleuse. Mais des crampes leur déchirèrent l’estomac, tous deux s’aperçurent qu’ils mouraient de faim. Jusque-là, ils ne s’étaient pas sentis vivre. Au moment de la catastrophe, ils n’avaient point déjeuné, et ils venaient de retrouver leurs tartines, gonflées par l’eau, changées en soupe. Elle dut se fâcher pour qu’il voulût bien accepter sa part. Dès qu’elle eut mangé, elle s’endormit de lassitude, sur la terre froide. Lui, brûlé d’insomnie, la veillait, le front entre les mains, les yeux fixes.

Combien d’heures s’écoulèrent ainsi ? Il n’aurait pu le dire. Ce qu’il savait, c’était que devant lui, par le trou de la cheminée, il avait vu reparaître le flot noir et mouvant, la bête dont le dos s’enflait sans cesse pour les atteindre. D’abord, il n’y eut qu’une ligne mince, un serpent souple qui s’allongea ; puis, cela s’élargit en une échine grouillante, rampante ; et bientôt ils furent rejoints, les pieds de la jeune fille endormie trempèrent. Anxieux, il hésitait à la réveiller. N’était-ce pas cruel de