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Page:Zola - Germinal.djvu/85

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GERMINAL.

mine. Ça remonterait, Dieu n’était pas si solide. Puis, à cette croyance religieuse, se mêlait une profonde gratitude pour une valeur, qui, depuis un siècle, nourrissait la famille à ne rien faire. C’était comme une divinité à eux, que leur égoïsme entourait d’un culte, la bienfaitrice du foyer, les berçant dans leur grand lit de paresse, les engraissant à leur table gourmande. De père en fils, cela durait : pourquoi risquer de mécontenter le sort, en doutant de lui ? Et il y avait, au fond de leur fidélité, une terreur superstitieuse, la crainte que le million du denier ne se fût brusquement fondu, s’ils l’avaient réalisé et mis dans un tiroir. Ils le voyaient plus à l’abri dans la terre, d’où un peuple de mineurs, des générations d’affamés l’extrayaient pour eux, un peu chaque jour, selon leurs besoins.

Du reste, les bonheurs pleuvaient sur cette maison. M. Grégoire, très jeune, avait épousé la fille d’un pharmacien de Marchiennes, une demoiselle laide, sans un sou, qu’il adorait et qui lui avait tout rendu, en félicité. Elle s’était enfermée dans son ménage, extasiée devant son mari, n’ayant d’autre volonté que la sienne ; jamais des goûts différents ne les séparaient, un même idéal de bien-être confondait leurs désirs ; et ils vivaient ainsi depuis quarante ans, de tendresse et de petits soins réciproques. C’était une existence réglée, les quarante mille francs mangés sans bruit, les économies dépensées pour Cécile, dont la naissance tardive avait un instant bouleversé le budget. Aujourd’hui encore, ils contentaient chacun de ses caprices : un second cheval, deux autres voitures, des toilettes venues de Paris. Mais ils goûtaient là une joie de plus, ils ne trouvaient rien de trop beau pour leur fille, avec une telle horreur personnelle de l’étalage, qu’ils avaient gardé les modes de leur jeunesse. Toute dépense qui ne profitait pas, leur semblait stupide.