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LES ROUGON-MACQUART.

Brusquement, la porte s’ouvrit, et une voix forte cria :

— Eh bien ! quoi donc, on déjeune sans moi !

C’était Cécile, au saut du lit, les yeux gonflés de sommeil. Elle avait simplement relevé ses cheveux et passé un peignoir de laine blanche.

— Mais non, dit la mère, tu vois qu’on t’attendait… Hein ? ce vent a dû t’empêcher de dormir, pauvre mignonne !

La jeune fille regarda très surprise.

— Il a fait du vent ?… Je n’en sais rien, je n’ai pas bougé de la nuit.

Alors, cela leur sembla drôle, tous les trois se mirent à rire ; et les bonnes, qui apportaient le déjeuner, éclatèrent aussi, tellement l’idée que Mademoiselle avait dormi d’un trait ses douze heures, égayait la maison. La vue de la brioche acheva d’épanouir les visages.

— Comment ! elle est donc cuite ? répétait Cécile. En voilà une attrape qu’on me fait !… C’est ça qui va être bon, tout chaud, dans le chocolat !

Ils s’attablaient enfin, le chocolat fumait dans les bols, on ne parla longtemps que de la brioche. Mélanie et Honorine restaient, donnaient les détails sur la cuisson, les regardaient se bourrer, les lèvres grasses, en disant que c’était un plaisir de faire un gâteau, quand on voyait les maîtres le manger si volontiers.

Mais les chiens aboyèrent violemment, on crut qu’ils annonçaient la maîtresse de piano, qui venaient de Marchiennes le lundi et le vendredi. Il venait aussi un professeur de littérature. Toute l’instruction de la jeune fille s’était ainsi faite à la Piolaine, dans une ignorance heureuse, dans des caprices d’enfant, jetant le livre par la fenêtre, dès qu’une question l’ennuyait.

— C’est monsieur Deneulin, dit Honorine en rentrant.

Derrière elle, Deneulin, un cousin de M. Grégoire, parut