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GERMINAL.

les estaminets, les débits de bière, si nombreux, que, sur mille maisons, il y avait plus de cinq cents cabarets.

Comme elle approchait des Chantiers de la Compagnie, une vaste série de magasins et d’ateliers, la Maheude se décida à prendre Henri et Lénore par la main, l’un à droite, l’autre à gauche. Au delà, se trouvait l’hôtel du directeur, M. Hennebeau, une sorte de vaste chalet séparé de la route par une grille, suivi d’un jardin où végétaient des arbres maigres. Justement, une voiture était arrêtée devant la porte, un monsieur décoré et une dame en manteau de fourrure, quelque visite débarquée de Paris à la gare de Marchiennes ; car madame Hennebeau, qui parut dans le demi-jour du vestibule, poussa une exclamation de surprise et de joie.

— Marchez donc, traînards ! gronda la Maheude, en tirant les deux petits, qui s’abandonnaient dans la boue.

Elle arrivait chez Maigrat, elle était tout émotionnée. Maigrat habitait à côté même du directeur, un simple mur séparait l’hôtel de sa petite maison ; et il avait là un entrepôt, un long bâtiment qui s’ouvrait sur la route en une boutique sans devanture. Il y tenait de tout, de l’épicerie, de la charcuterie, de la fruiterie, y vendait du pain, de la bière, des casseroles. Ancien surveillant au Voreux, il avait débuté par une étroite cantine ; puis, grâce à la protection de ses chefs, son commerce s’était élargi, tuant peu à peu le détail de Montsou. Il centralisait les marchandises, la clientèle considérable des corons lui permettait de vendre moins cher et de faire des crédits plus grands. D’ailleurs, il était resté dans la main de la Compagnie, qui lui avait bâti sa petite maison et son magasin.

— Me voici encore, monsieur Maigrat, dit la Maheude d’un air humble, en le trouvant justement debout devant sa porte.