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LES ROUGON-MACQUART.

membres. Gervaise, n’osant s’aventurer, appelait de la porte, à demi-voix :

— Monsieur Goujet, monsieur Goujet…

Brusquement, tout s’éclaira. Sous le ronflement du soufflet, un jet de flamme blanche avait jailli. Le hangar apparut, fermé par des cloisons de planches, avec des trous maçonnés grossièrement, des coins consolidés à l’aide de murs de briques. Les poussières envolées du charbon badigeonnaient cette halle d’une suie grise. Des toiles d’araignée pendaient aux poutres, comme des haillons qui séchaient là-haut, alourdies par des années de saleté amassée. Autour des murailles, sur des étagères, accrochés à des clous ou jetés dans les angles sombres, un pêle-mêle de vieux fers, d’ustensiles cabossés, d’outils énormes, traînaient, mettaient des profils cassés, ternes et durs. Et la flamme blanche montait toujours, éclatante, éclairant d’un coup de soleil le sol battu, où l’acier poli de quatre enclumes, enfoncées dans leurs billots, prenait un reflet d’argent pailleté d’or.

Alors, Gervaise reconnut Goujet devant la forge, à sa belle barbe jaune. Étienne tirait le soufflet. Deux autres ouvriers étaient là. Elle ne vit que Goujet, elle s’avança, se posa devant lui.

— Tiens ! madame Gervaise ! s’écria-t-il, la face épanouie ; quelle bonne surprise !

Mais, comme les camarades avaient de drôles de figures, il reprit en poussant Étienne vers sa mère :

— Vous venez voir le petit… Il est sage, il commence à avoir de la poigne.

— Ah bien ! dit-elle, ce n’est pas commode d’arriver ici… Je me croyais au bout du monde…

Et elle raconta son voyage. Ensuite, elle demanda pourquoi on ne connaissait pas le nom d’Étienne dans