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L’ASSOMMOIR.

des salaires, la répartition des bénéfices, la glorification du prolétariat… Toutes les libertés, entendez-vous ! toutes !… Et le divorce !

— Oui, oui, le divorce, pour la morale ! appuya Boche.

Poisson avait pris un air majestueux. Il répondit :

— Pourtant, si je n’en veux pas de vos libertés, je suis bien libre.

— Si vous n’en voulez pas, si vous n’en voulez pas… bégaya Lantier, que la passion étranglait. Non, vous n’êtes pas libre !… Si vous n’en voulez pas, je vous foutrai à Cayenne, moi ! oui, à Cayenne, avec votre empereur et tous les cochons de sa bande !

Ils s’empoignaient ainsi, à chacune de leurs rencontres. Gervaise, qui n’aimait pas les discussions, intervenait d’ordinaire. Elle sortit de la torpeur où la plongeait la vue de la malle, toute pleine du parfum gâté de son ancien amour ; et elle montra les verres aux trois hommes.

— C’est vrai, dit Lantier, subitement calmé, prenant son verre. À la vôtre.

— À la vôtre, répondirent Boche et Poisson, qui trinquèrent avec lui.

Cependant, Boche se dandinait, travaillé par une inquiétude, regardant le sergent de ville du coin de l’œil.

— Tout ça entre nous, n’est-ce pas, monsieur Poisson ? murmura-t-il enfin. On vous montre et on vous dit des choses…

Mais Poisson ne le laissa pas achever. Il mit la main sur son cœur, comme pour expliquer que tout restait là. Il n’allait pas moucharder des amis, bien sûr. Coupeau étant arrivé, on vida un second litre. Le