Page:Zola - L'Assommoir.djvu/328

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

-ci faisaient l’éloge du chapelier, qu’il pouvait bien se passer de son admiration, puisque toutes les voisines avaient des béguins pour lui.

Coupeau, dans le quartier, gueulait que Lantier était un ami, un vrai. On pouvait baver sur leur compte, lui savait ce qu’il savait, se fichait du bavardage, du moment où il avait l’honnêteté de son côté. Quand ils sortaient tous les trois, le dimanche, il obligeait sa femme et le chapelier à marcher devant lui, bras dessus, bras dessous, histoire de crâner dans la rue ; et il regardait les gens, tout prêt à leur administrer un va-te-laver, s’ils s’étaient permis la moindre rigolade. Sans doute, il trouvait Lantier un peu fiérot, l’accusait de faire sa Sophie devant le vitriol, le blaguait parce qu’il savait lire et qu’il parlait comme un avocat. Mais, à part ça, il le déclarait un bougre à poils. On n’en aurait pas trouvé deux aussi solides dans la Chapelle. Enfin, ils se comprenaient, ils étaient bâtis l’un pour l’autre. L’amitié avec un homme, c’est plus solide que l’amour avec une femme.

Il faut dire une chose, Coupeau et Lantier se payaient ensemble des noces à tout casser. Lantier, maintenant, empruntait de l’argent à Gervaise, des dix francs, des vingt francs, quand il sentait de la monnaie dans la maison. C’était toujours pour ses grandes affaires. Puis, ces jours-là, il débauchait Coupeau, parlait d’une longue course, l’emmenait ; et, attablés nez à nez au fond d’un restaurant voisin, ils se flanquaient par le coco des plats qu’on ne peut manger chez soi, arrosés de vin cacheté. Le zingueur aurait préféré des ribotes dans le chic bon enfant ; mais il était impressionné par les goûts d’aristo du chapelier, qui trouvait sur la carte des noms de sauces extraor-