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L’ASSOMMOIR.

— Elle se vide, répéta-t-elle, en allumant une autre chandelle.

L’enterrement était pour dix heures et demie. Une jolie matinée, à mettre avec la nuit et avec la journée de la veille ! C’est-à-dire que Gervaise, tout en n’ayant pas un sou, aurait donné cent francs à celui qui serait venu prendre maman Coupeau trois heures plus tôt. Non, on a beau aimer les gens, ils sont trop lourds, quand ils sont morts ; et même plus on les aime, plus on voudrait se vite débarrasser d’eux.

Une matinée d’enterrement est par bonheur pleine de distractions. On a toutes sortes de préparatifs à faire. On déjeuna d’abord. Puis, ce fut justement le père Bazouge, le croque-mort du sixième, qui apporta la bière et le sac de son. Il ne dessoulait pas, ce brave homme. Ce jour-là, à huit heures, il était encore tout rigolo d’une cuite prise la veille.

— Voilà, c’est pour ici, n’est-ce pas ? dit-il.

Et il posa la bière, qui eut un craquement de boîte neuve.

Mais, comme il jetait à côté le sac de son, il resta les yeux écarquillés, la bouche ouverte, en apercevant Gervaise devant lui.

— Pardon, excuse, je me trompe, balbutia-t-il. On m’avait dit que c’était pour chez vous.

Il avait déjà repris le sac, la blanchisseuse dut lui crier :

— Laissez donc ça, c’est pour ici.

— Ah ! tonnerre de Dieu ! faut s’expliquer ! reprit-il en se tapant sur la cuisse. Je comprends, c’est la vieille…

Gervaise était devenue toute blanche. Le père Bazouge avait apporté la bière pour elle. Il continuait, se montrant galant, cherchant à s’excuser :