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LES ROUGON-MACQUART.

dame Lerat qui, trouvait drôle son amour pour la fenêtre, ce jour-là, dit en la rattrapant de ses grandes jambes :

— Attends donc, je vais avec toi, j’ai besoin de quelque chose.

Mais voilà que, dans l’allée, elle aperçut le monsieur planté comme un cierge, en train de jouer de la prunelle avec Nana ! La petite devint très rouge. Sa tante lui prit le bras d’une secousse, la fit trotter sur le pavé, tandis que le particulier emboîtait le pas. Ah ! le matou venait pour Nana ! Eh bien ! c’était gentil, à quinze ans et demi, de traîner ainsi des hommes à ses jupes ! Et madame Lerat, vivement, la questionnait. Oh ! mon Dieu ! Nana ne savait pas ; il la suivait depuis cinq jours seulement, elle ne pouvait plus mettre le nez dehors, sans le rencontrer dans ses jambes ; elle le croyait dans le commerce, oui, un fabricant de boutons en os. Madame Lerat fut très impressionnée. Elle se retourna, guigna le monsieur du coin de l’œil.

— On voit bien qu’il a le sac, murmura-t-elle. Écoute, mon petit chat, il faudra tout me dire. Maintenant, tu n’as plus rien à craindre.

En causant, elles couraient de boutique en boutique, chez le charcutier, chez la fruitière, chez le rôtisseur. Et les commissions, dans des papiers gras, s’empilaient sur leurs mains. Mais elles restaient aimables, se dandinant, jetant derrière elles de légers rires et des œillades luisantes. Madame Lerat elle-même prenait des grâces, faisait la jeune fille, à cause du fabricant de boutons qui les suivait toujours.

— Il est très distingué, déclara-t-elle en rentrant dans l’allée. S’il avait seulement des intentions honnêtes…