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L’ASSOMMOIR.

sa sœur, qui n’était même pas l’aînée. Maman Coupeau donnerait son consentement des deux mains, car jamais elle ne contrariait son fils. Seulement, dans la famille, les Lorilleux passaient pour gagner jusqu’à dix francs par jour ; et ils tiraient de là une véritable autorité. Coupeau n’aurait pas osé se marier, sans qu’ils eussent avant tout accepté sa femme.

— Je leur ai parlé de vous, ils connaissent nos projets, expliquait-il à Gervaise. Mon Dieu ! que vous êtes enfant ! Venez ce soir… Je vous ai avertie, n’est-ce pas ? Vous trouverez ma sœur un peu raide. Lorilleux non plus n’est pas toujours aimable. Au fond, ils sont très vexés, parce que, si je me marie, je ne mangerai plus chez eux, et ce sera une économie de moins. Mais ça ne fait rien, ils ne vous mettront pas à la porte… Faites ça pour moi, c’est absolument nécessaire.

Ces paroles effrayaient Gervaise davantage. Un samedi soir, pourtant, elle céda. Coupeau vint la chercher à huit heures et demie. Elle s’était habillée : une robe noire, avec un châle à palmes jaunes en mousseline de laine imprimée, et un bonnet blanc garni d’une petite dentelle. Depuis six semaines qu’elle travaillait, elle avait économisé les sept francs du châle et les deux francs cinquante du bonnet ; la robe était une vieille robe nettoyée et refaite.

— Ils vous attendent, lui dit Coupeau, pendant qu’ils faisaient le tour par la rue des Poissonniers. Oh ! ils commencent à s’habituer à l’idée de me voir marié. Ce soir, ils ont l’air très gentil… Et puis, si vous n’avez jamais vu faire des chaînes d’or, ça vous amusera à regarder. Ils ont justement une commande pressée pour lundi.

— Ils ont de l’or chez eux ? demanda Gervaise.