Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/127

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soir, embrassée par les uns, battue par les autres, grandissant dans le vice & la misère, sans que rien l’avertît ni révoltât son cœur. Elle était déjà infâme, & elle ignorait encore qu’elle possédât un corps & des sens. Elle avait fait le mal avant de savoir que le mal existait ; aujourd’hui, en pleine débauche, elle gardait son visage d’enfant, n’ayant jamais cessé d’être vierge & innocente. La souillure s’était mise en elle trop tôt pour qu’elle pût être souillée.

J’avais maintenant le sens de ce visage étrange, fait d’impudeur & de naïveté, d’une beauté jeune & fanée. Je m’expliquais cette petite fille cynique, cette femme usée qui se mourait avec le calme & la blancheur d’une martyre. Elle était fille de la grande ville, & la grande ville en avait fait cette créature monstrueuse qui n’était ni un enfant ni une femme. Dans cet être, où personne n’avait évoqué l’âme, l’âme dormait encore. Le corps lui-même ne