Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/128

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s’était jamais éveillé sans doute. Marie se trouvait être une simple d’esprit & de chair, qui se livrait par abandon, restait pure dans la fange, ne sachant rien & acceptant tout. Je la vois, là, devant moi, flétrie déjà, avec son bon sourire, me parlant de sa voix un peu rauque, comme nos sœurs nous parleraient de leurs poupées, & je me sens au cœur un grand serrement.

À quatorze ans, une vieille femme, qui n’avait aucun droit sur elle, la vendit. Elle se laissa acheter, elle s’offrit presque d’elle-même, comme elle offrait ses bouquets de violettes. Elle avait encore les joues roses, & ses rires résonnaient gaiement. Elle eut des robes de soie, des bijoux ; elle accepta la soie & l’or comme des jouets, déchirant, jetant tout par la fenêtre. D’ailleurs, Marie vivait ainsi parce qu’elle ne savait pas que l’on peut vivre autrement ; elle n’avait point le sens du luxe, elle aurait accepté indifféremment un bouge ou un