Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/138

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soir — nous n’avions pas mangé la veille — j’ai ôté mon paletot sur la place du Panthéon, & Laurence a été le vendre. Il gelait. Je suis rentré en courant, suant à grosses gouttes de peur & de souffrance. Deux jours après, mon pantalon a suivi le paletot. Me voici nu. Je m’enveloppe dans une couverture, je me couvre comme je puis, & je prends ainsi le plus d’exercice possible, pour ne pas laisser se roidir mes jointures. Lorsqu’on vient me voir, je me couche, je prétends être un peu indisposé.

Laurence paraît souffrir moins que moi. Elle n’a pas de révolte, elle ne tente pas de se soustraire à l’existence que nous menons. Je ne puis m’expliquer cette femme. Elle accepte tranquillement ma misère. Est-ce dévouement, est-ce nécessité ?

Moi, frères, je vous l’ai dit, je suis bien, je m’endors. Je sens mon être se fondre, je me laisse aller à cette prostration douce des mourants, qui demandent pitié d’une voix faible & caressante. Je n’ai aucun dé-