Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/159

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passion caressante que le moribond doit mettre à aimer l’existence qui lui échappe.

J’ai passé huit jours dans une sorte d’extase douloureuse. J’étais tenté de boucher la fenêtre, de vivre dans les ténèbres ; j’aurais voulu que la chambre ne fût pas plus grande que la dalle où nous posions les pieds. Je ne me trouvais point assez misérable, je souhaitais quelque effroyable malheur qui me jetât à Laurence plus nu & plus sanglant. Mes journées s’écoulaient à m’enfoncer dans mon amour & dans ma misère. Et voilà que j’ai aimé le froid & la faim, la chambre sale, la crasse des murs & des meubles. J’ai aimé la robe de soie bleue, cette loque lamentable. Mon cœur se fendait de pitié, lorsque Laurence était devant moi, ce haillon au dos ; je me demandais avec anxiété par quel baiser, par quelle caresse surhumaine, je pourrais bien lui montrer que je l’aimais dans sa pauvreté. Moi, j’étais heureux de n’être pas couvert :