Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/202

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le froid, de toute l’humidité, je puis, par une faculté étrange, faire luire le soleil, avoir chaud, me créer un ciel doux & tendre, sans cesser de sentir le ciel noir qui pèse à mes épaules. Je n’ignore pas, je n’oublie pas : je vis doublement. Je porte dans le songe la même franchise que dans les sensations vraies. J’ai ainsi deux existences parallèles, aussi vivantes, aussi âpres, l’une qui se passe ici-bas, dans ma misère, l’autre qui se passe là-haut, dans l’immense & profonde pureté du ciel bleu.

Oui, telle est sans doute l’explication de mon être. Je comprends ma chair, je comprends mon cœur ; j’ai conscience de mes innocences & de mes infamies, de mes amours pour les mensonges & pour les vérités. Je suis une délicate machine à sensations, sensations d’âme, sensations de corps. Je reçois & je rends en frissonnant le moindre rayon, la moindre senteur, la moindre tendresse. Je vis tout haut, criant de souffrance, balbutiant d’extase,