Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/235

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Je me suis dressé sur mon séant, serrant les poings.

— D’où viens-tu ? ai-je demandé à Laurence d’une voix sourde & tremblante.

Elle a ouvert lentement les yeux qu’elle avait déjà fermés, & elle m’a regardé un instant, étonnée, sans répondre. Puis, avec un mouvement d’épaules :

— Je viens, m’a-t-elle répondu, de chez la fruitière du haut de la rue, qui m’avait invitée à prendre le café.

Je voyais sa face de bas en haut : les paupières lasses retombaient d’elles-mêmes, les traits exprimaient la satiété & l’assouvissement. J’ai senti le sang m’aveugler à la voir si pleine des baisers d’un autre. Son cou, large & gonflé, se tendait à moi, me sollicitant au crime ; il était gros & court, impudent & lubrique ; il blanchissait insolemment, se moquant & me défiant. Tout ce qui m’entourait a disparu ; je n’ai plus aperçu que ce cou.

— Tu mens ! ai-je crié.