Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/246

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à ma pensée tel qu’il avait dû être. Je savais quelles infamies il me fallait imaginer ; même dans l’ignorance où je m’étais enfermé, je dépassais sans doute le réel, je tombais dans le cauchemar, exagérant le mal. À cette heure, j’aurais voulu tout savoir, dans la vérité des faits. Je prêtais l’oreille à ce cœur cynique & lourd qui me contait à voix basse la longue histoire, en une langue inconnue, & je ne pouvais suivre le discours, ne sachant que penser des quelques mots que je croyais saisir au passage.

Puis, soudain, le cœur de Laurence a changé de langue. Il a parlé de l’avenir, & je l’ai compris. Il battait nettement, causant plus vite, avec plus d’âpreté, plus d’ironie. Il disait qu’il allait au ruisseau & qu’il avait hâte d’y arriver. Laurence me quitterait le lendemain, elle reprendrait sa vie de hasards ; elle appartiendrait à la foule, elle descendrait les quelques degrés qui la séparaient encore