Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/291

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Je me suis étonné de souffrir si peu. J’aurais cru en mourir, & je ne sentais plus qu’une lassitude extrême, qu’un engourdissement de tout mon être. Longtemps, je suis demeuré accoudé, regardant les deux ombres qui s’agitaient d’une façon caressante, & j’ai songé à cette terrible aventure qui se dénouait par l’embrassement de deux taches sombres sur une muraille éclairée. La conversation que j’avais eue avec Jacques s’est alors représentée avec force à ma mémoire ; dans le vide qui se faisait en moi, j’entendais s’élever une à une, graves & lentes, les paroles de l’homme pratique, & ces paroles, que je croyais écouter pour la première fois, m’étonnaient étrangement, prononcées en face de ce baiser que l’ombre de Jacques donnait à l’ombre de Laurence. Qui trompait-on dans tout ceci ? Pâquerette avait-elle raison, étais-je en face d’un de ces caprices inexplicables qui poussent les gens à se mentir à eux-mêmes ? Ou bien Jacques se