Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/314

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distraire. Je ne m’explique pas ce qui s’est passé. Je ne veux point te quitter. Pardonne-moi, pardonne-moi.

À la dernière heure, cette femme était plus impénétrable encore. Je n’avais pas le sens de cette créature froide & affaissée, nerveuse & suppliante. Depuis un an, je vivais à son côté, & elle m’était étrangère, comme au premier jour. Je l’avais vue tour à tour vieille & jeune, active & endormie, sèche & aimante, ironique & humble ; je ne pouvais reconstruire une âme avec ses éléments divers, je restais muet devant ce visage épais, grimaçant, qui me cachait un cœur inconnu. Elle m’aimait peut-être, elle obéissait à ce besoin d’amour & d’estime qui se trouve au fond des plus honteuses natures. D’ailleurs, je ne cherchais plus à comprendre, je devinais que Laurence serait à jamais un mystère pour moi, une femme faite d’ombre & de vertige ; je savais qu’elle resterait dans ma vie comme un cauchemar inexplicable, une nuit fié-