Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/321

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point prêcher ici. Mais je montre ma poitrine vide, mon être endolori & sanglant, je désire que mes plaies fassent frémir les garçons de mon âge & les arrêtent au seuil du gouffre. À ceux qui sont affolés de lumière & de pureté, je dirai : Prenez garde, vous entrez dans la nuit, dans la souillure. À ceux dont le cœur dort & qui ont l’indifférence du mal, je dirai : Puisque vous ne pouvez aimer, tâchez au moins de rester dignes & honnêtes.

La nuit était claire, je voyais jusqu’à Dieu. Marie, raide maintenant, dormait avec pesanteur ; le drap avait de longs plis secs & durs. Je songeais au néant, je pensais que nous aurions grand besoin d’une croyance, nous qui vivons dans l’espérance de demain & qui ne savons ce que sera demain. Si j’avais eu, au ciel ou ailleurs, un Dieu ami dont j’aie senti la main protectrice, je ne me serais peut-être pas laissé aller au vertige d’une passion mauvaise. J’aurais toujours eu des consola-