Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/320

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suprême, & je me disais encore qu’un jour je parlerais & que je ferais voir la vérité à mes frères, les cœurs de vingt ans. Je trouvais une grande leçon dans ma jeunesse perdue, dans mes amours brisées. Mon être entier répétait : Que n’es-tu resté là-bas, en Provence, dans les herbes hautes, sous les larges soleils ? Tu aurais grandi en honneur, en force. Et, lorsque tu es venu ici chercher la vie & la gloire, que ne t’es-tu gardé contre la boue de la ville ? Ne savais-tu pas que l’homme n’a pas deux jeunesses, ni deux amours ? Il te fallait vivre jeune, dans le travail, & aimer, dans la virginité.

Ceux qui acceptent sans larmes la vie que j’ai menée pendant un an, n’ont pas de cœur ; ceux qui pleurent comme j’ai pleuré, sortent de cette vie le corps brisé & l’âme mourante. Il faut donc tuer les Laurences, comme disait Jacques, puisqu’elles nous tuent notre chair & nos amours. Je ne suis qu’un enfant qui a souffert, je ne veux