Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

unique & universel. Je regardais le ciel. Il me semblait voir, dans l’étendue calme & reposée, l’âme du monde, l’être éternel fait de tous les êtres. Alors, j’ai goûté une grande douceur ; je venais de dépasser la guérison, j’en étais au pardon & à la foi. Frères, ma jeunesse me souriait encore. J’ai songé qu’un jour nous nous trouverons unis tous quatre, Marie & Jacques, Laurence & moi ; nous nous comprendrons, nous nous pardonnerons ; nous nous aimerons sans avoir à entendre les sanglots de nos corps, & aurons une suprême paix à échanger ces tendresses que nous ne pouvions nous donner, lorsque nous vivions dans des chairs différentes.

La pensée qu’il y a malentendu sur la terre, & que tout s’explique ailleurs, m’a consolé. Je me suis dit que j’attendrais la mort pour aimer. Je me tenais debout, auprès de la fenêtre, en face du ciel, en face du cadavre de Marie, &, peu à peu,