Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/50

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poète qu’une rime heureuse fait rire sans raison comme un enfant. Grondez-moi, frères, les vers faux ne me donnent plus l’insomnie.

Mes faibles ressources s’épuisent. Je puis calculer, à un jour près, le soir où je manquerai de tout. J’achève mon pain, ayant presque hâte de le finir, pour ne plus le voir diminuer à chaque repas. Je me livre lâchement à la misère ; la lutte m’effraie.

Ah ! combien ils mentent, ceux qui prétendent que la pauvreté est mère du talent ! Qu’ils comptent ceux que le désespoir a faits illustres & ceux qu’il a lentement avilis. Quand les larmes naissent d’une blessure reçue au cœur, les rides qu’elles creusent sont belles & nobles ; mais quand c’est la faim du corps qui les fait couler, lorsque chaque soir une bassesse ou un labeur de brute les essuyent, elles sillonnent la face affreusement sans lui donner la douloureuse sérénité de la vieillesse.

Non, puisque je suis si pauvre qu’il me