Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/55

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ensuite ? Nous mangerons ton pain dur & nous irons au bal boire du champagne.

— Non, je suis seul, je travaille pour vivre. Je ne saurais vous associer à ma misère.

Laurence, les jambes croisées, ne délaçait plus ses bottines. Elle songeait.

— Écoute, a-t-elle ajouté brusquement, je suis sans pain & sans asile. Tu es jeune, tu ne peux comprendre quelle est notre éternelle détresse, même dans le luxe & la gaieté. La rue est notre seul domicile ; ailleurs, nous ne sommes pas chez nous. On nous montre la porte, & nous sortons. Veux-tu que je sorte ? tu as le droit de me chasser, & moi la ressource d’aller coucher sous les ponts.

— Je ne veux pas vous chasser. Je vous dis seulement que vous avez mal choisi votre gîte. Vous ne pourrez vous accommoder de ma tristesse ni de mon désert.

— Choisir ! ah ! tu crois qu’il nous est