allait partir pour le ministre de la guerre, l’avertissant également de la retraite, lui expliquant le danger terrible où se trouvait l’armée d’être coupée et écrasée. La dépêche à Bazaine pouvait courir, si elle avait de bonnes jambes, car toutes les communications semblaient interrompues avec Metz depuis plusieurs jours. Mais, l’autre dépêche, c’était plus grave ; et, baissant la voix, le pharmacien raconta qu’il avait entendu un officier supérieur dire : « S’ils sont prévenus à Paris, nous sommes foutus ! » Personne n’ignorait avec quelle âpreté l’impératrice-régente et le conseil des ministres poussaient à la marche en avant. D’ailleurs, la confusion augmentait d’heure en heure, les renseignements les plus extraordinaires arrivaient sur l’approche des armées allemandes. Le prince royal de Prusse à Châlons, était-ce possible ? Et contre quelles troupes venait donc de se heurter le 7e corps, dans les défilés de l’Argonne ?
— À l’état-major, ils ne savent rien, continua le pharmacien en agitant désespérément les bras. Ah ! quel gâchis !… Enfin, tout va bien, si demain l’armée est en retraite.
Puis, brave homme au fond :
— Dites donc, mon jeune ami, je vais vous panser le pied, vous dînerez avec nous, et vous coucherez là-haut, dans la petite chambre de mon élève, qui a filé.
Mais, tourmenté du besoin de voir et de savoir, Maurice, avant tout, voulut absolument suivre sa première idée, en allant, en face, rendre visite à la vieille madame Desroches. Il fut surpris de ne pas être arrêté, à la porte, qui, dans le tumulte de la place, restait ouverte, sans même être gardée. Continuellement, du monde entrait et sortait, des officiers, des gens de service ; et il semblait que le branle de la cuisine flambante agitât la maison entière. Pourtant, il n’y avait pas une lumière dans l’escalier, il dut monter à tâtons. Au premier étage, il s’ar-