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Page:Zola - La Débâcle.djvu/159

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en refranchir le seuil, il n’avait pas échangé une seule lettre, depuis quatre ans qu’il était au service, avec ce père qu’il interpellait, d’un ton si bref. Déjà, les soldats maraudeurs causaient vivement, se concertaient. Le fils du vieux et un gradé ! rien à faire, ça tournait mal, valait mieux chercher plus loin ! Et ils filèrent, s’évanouirent dans l’épaisse nuit.

Lorsque Fouchard comprit qu’il était sauvé du pillage, il dit simplement, sans émotion aucune, comme s’il avait vu son fils la veille :

— C’est toi… Bon ! je descends.

Ce fut long. On entendit, à l’intérieur, ouvrir et fermer des serrures, tout un ménage d’homme qui s’assure que rien ne traîne. Puis, enfin, la porte s’ouvrit, mais entrebâillée à peine, tenue d’un poing vigoureux.

— Entre, toi ! et personne autre !

Pourtant, il ne put refuser asile à son neveu, malgré sa visible répugnance.

— Allons, toi aussi !

Et il repoussait impitoyablement la porte sur Jean, il fallut que Maurice le suppliât. Mais il s’entêtait : non, non ! il n’avait pas besoin d’inconnus, de voleurs chez lui, qui casseraient ses meubles ! Enfin, Honoré, d’un coup d’épaule, fit entrer le camarade, et le vieux dut céder, grognant de sourdes menaces. Il n’avait pas lâché son fusil. Puis, quand il les eut conduits à la salle commune, et qu’il eut posé le fusil contre le buffet, la chandelle sur la table, il tomba dans un obstiné silence.

— Dites donc, père, nous crevons de faim. Vous nous donnerez bien du pain et du fromage, à nous autres !

Il ne répondait pas, semblait ne pas entendre, retournait sans cesse pour écouter, devant la fenêtre, si quelque autre bande ne venait pas faire le siège de sa maison.

— L’oncle, voyons, Jean est un frère. Il s’est arraché