ne s’était guère couché que vers deux heures du matin, après avoir enfoui dans sa cave toutes les provisions et s’être ingénié à protéger les meubles autant que possible contre les balles, en garnissant les fenêtres de matelas. Une colère montait en lui, à l’idée que les Prussiens pouvaient venir saccager cette maison si désirée, si difficilement acquise et dont il avait encore joui si peu.
Mais une voix l’appelait, sur la route.
— Dites donc, Weiss, vous entendez ?
En bas, il trouva Delaherche, qui avait voulu également coucher à sa teinturerie, un grand bâtiment de briques, dont le mur était mitoyen. Du reste, tous les ouvriers avaient fui à travers bois, gagnant la Belgique ; et il ne restait là, comme gardienne, que la concierge, la veuve d’un maçon, nommée Françoise Quittard. Encore, tremblante, éperdue, aurait-elle filé avec les autres, si elle n’avait pas eu son garçon, le petit Auguste, un gamin de dix ans, si malade d’une fièvre typhoïde, qu’il n’était pas transportable.
— Dites donc, répéta Delaherche, vous entendez, ça commence bien… Il serait sage de rentrer tout de suite à Sedan.
Weiss avait formellement promis à sa femme de quitter Bazeilles au premier danger sérieux, et il était alors très résolu à tenir sa promesse. Mais ce n’était encore là qu’un combat d’artillerie, à grande portée et un peu au hasard, dans les brumes du petit jour.
— Attendons, que diable ! répondit-il. Rien ne presse.
D’ailleurs, la curiosité de Delaherche était si vive, si agitée, qu’il en devenait brave. Lui, n’avait pas fermé l’œil, très intéressé par les préparatifs de défense. Prévenu qu’il serait attaqué dès l’aube, le général Lebrun, qui commandait le 12e corps, venait d’employer la nuit à se retrancher dans Bazeilles, dont il avait l’ordre d’empêcher à tout prix l’occupation. Des barricades barraient la