l’entendre redire que l’attaque de Bazeilles n’avait peut-être d’autre but que de faire une diversion et de cacher le plan véritable, il finit par s’écrier :
— Fichez-nous la paix !… Nous allons les flanquer à la Meuse, vos Bavarois, et ils verront comment on nous amuse !
Depuis un instant, les tirailleurs ennemis semblaient s’être rapprochés, des balles arrivaient, avec un bruit mat, dans les briques de la teinturerie ; et, abrités derrière le petit mur de la cour, les soldats maintenant ripostaient. C’était, à chaque seconde, une détonation de chassepot, sèche et claire.
— Les flanquer à la Meuse, oui, sans doute ! murmura Weiss, et leur passer sur le ventre pour reprendre le chemin de Carignan, ce serait très bien !
Puis, s’adressant à Delaherche, qui s’était caché derrière la pompe, afin d’éviter les balles :
— N’importe, le vrai plan était de filer hier soir sur Mézières ; et, à leur place, j’aimerais mieux être là-bas… Enfin, il faut se battre, puisque, désormais, la retraite est impossible.
— Venez-vous ? demanda Delaherche, qui, malgré son ardente curiosité, commençait à blêmir. Si nous tardons encore, nous ne pourrons plus rentrer à Sedan.
— Oui, une minute, et je vous suis.
Malgré le danger, il se haussait, il s’entêtait à vouloir se rendre compte. Sur la droite, les prairies inondées par ordre du gouverneur, le vaste lac qui s’étendait de Torcy à Balan, protégeait la ville : une nappe immobile, d’un bleu délicat au soleil matinal. Mais l’eau cessait à l’entrée de Bazeilles, et les Bavarois s’étaient en effet avancés, au travers des herbes, profitant des moindres fossés, des moindres arbres. Ils pouvaient être à cinq cents mètres ; et ce qui le frappait, c’était la lenteur de leurs mouvements, la patience avec laquelle ils gagnaient du terrain,