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Page:Zola - La Débâcle.djvu/222

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— Alors, il est rentré à Sedan ?

— Certainement, il est à Sedan.

De qui parlaient-ils donc ? Brusquement, Delaherche comprit qu’ils parlaient du maréchal de Mac-Mahon, blessé en allant aux avant-postes. Le maréchal blessé ! c’était notre chance, comme avait dit le lieutenant d’infanterie de marine. Et il réfléchissait aux conséquences de l’accident, lorsque, à toutes brides, une estafette passa, criant à un camarade qu’elle venait de reconnaître :

— Le général Ducrot est commandant en chef !… Toute l’armée va se concentrer à Illy, pour battre en retraite sur Mézières !

Déjà, l’estafette galopait au loin, entrait dans Bazeilles, sous le redoublement du feu ; tandis que Delaherche, effaré des nouvelles extraordinaires, ainsi apprises coup sur coup, menacé de se trouver pris dans la retraite des troupes, se décidait et courait de son côté jusqu’à Balan, d’où il regagnait Sedan enfin, sans trop de peine.

Dans Bazeilles, l’estafette galopait toujours, cherchant les chefs pour leur donner les ordres. Et les nouvelles galopaient aussi, le maréchal de Mac-Mahon blessé, le général Ducrot nommé commandant en chef, toute l’armée se repliant sur Illy.

— Quoi ? que dit-on ? cria Weiss, déjà noir de poudre. Battre en retraite sur Mézières à cette heure ! mais c’est insensé, jamais on ne passera !

Il se désespérait, pris du remords d’avoir conseillé cela, la veille, justement à ce général Ducrot, investi maintenant du commandement suprême. Certes, oui, la veille, il n’y avait pas d’autre plan à suivre : la retraite, la retraite immédiate, par le défilé Saint-Albert. Mais, à présent, la route devait être barrée, tout le fourmillement noir des Prussiens s’en était allé là-bas, dans la plaine de Donchery. Et, folie pour folie, il n’y en avait plus qu’une de désespérée et de brave, celle de jeter les Bava-