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Page:Zola - La Débâcle.djvu/231

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Loubet, qui se mit à rire, de son air avisé, en disant que c’était bête de se manger entre Français, lorsque les Prussiens étaient là. Lui, n’était pas pour les querelles, ni à coups de poing, ni à coups de fusil ; et, faisant allusion aux quelques centaines de francs qu’il avait touchées, comme remplaçant militaire, il ajouta :

— Vrai ! s’ils croient que ma peau ne vaut pas plus cher que ça !… Je vais leur en donner pour leur argent.

Mais Maurice et Jean, irrités de cette agression imbécile, répondaient violemment, se disculpaient, lorsqu’une voix forte sortit du brouillard.

— Quoi donc ? quoi donc ? quels sont les sales pierrots qui se disputent ?

Et le lieutenant Rochas parut, avec son képi jauni par les pluies, sa capote où manquaient des boutons, toute sa maigre et dégingandée personne dans un pitoyable état d’abandon et de misère. Il n’en était pas moins d’une crânerie victorieuse, les yeux étincelants, les moustaches hérissées.

— Mon lieutenant, répondit Jean hors de lui, ce sont ces hommes qui crient comme ça que nous sommes vendus… Oui, nos généraux nous auraient vendus…

Dans le crâne étroit de Rochas, cette idée de trahison n’était pas loin de paraître naturelle, car elle expliquait les défaites qu’il ne pouvait admettre.

— Eh bien ! qu’est-ce que ça leur fout d’être vendus ?… Est-ce que ça les regarde ?… Ça n’empêche pas que les Prussiens sont là et que nous allons leur allonger une de ces raclées dont on se souvient.

Au loin, derrière l’épais rideau de brume, le canon de Bazeilles ne cessait point. Et, d’un grand geste, il tendit les bras.

— Hein ! cette fois, ça y est !… On va donc les reconduire chez eux, à coups de crosse !

Tout, pour lui, depuis qu’il entendait la canonnade, se