Page:Zola - La Débâcle.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

décidé à occuper ces hauteurs, en s’adossant contre la frontière, quitte à passer en Belgique, dans le cas où l’on serait culbuté ? Deux points surtout semblaient menaçants, le mamelon du Hattoy, au-dessus de Floing, à gauche, et le calvaire d’Illy, une croix de pierre entre deux tilleuls, à droite. La veille, le général Douay avait fait occuper le Hattoy par un régiment, qui, dès le petit jour, s’était replié, trop en l’air. Quant au calvaire d’Illy, il devait être défendu par l’aile gauche du 1er corps. Les terres s’étendaient entre Sedan et la forêt des Ardennes, vastes et nues, profondément vallonnées ; et la clef de la position était visiblement là, au pied de cette croix et de ces deux tilleuls, d’où l’on balayait toute la contrée environnante.

Trois autres coups de canon retentirent. Puis, ce fut toute une salve. Cette fois, on avait vu une fumée monter d’un petit coteau, à gauche de Saint-Menges.

— Allons, dit Jean, c’est notre tour.

Pourtant, rien n’arrivait. Les hommes, toujours immobiles, l’arme au pied, n’avaient d’autre amusement que de regarder la belle ordonnance de la 2e division, rangée devant Floing, et dont la gauche, placée en potence, était tournée vers la Meuse, pour parer à une attaque de ce côté. Vers l’est, se déployait la 3e division, jusqu’au bois de la Garenne, en dessous d’Illy, tandis que la 1re, très entamée à Beaumont, se trouvait en seconde ligne. Pendant la nuit, le génie avait travaillé à des ouvrages de défense. Même, sous le feu commençant des Prussiens, on creusait encore des tranchées-abris, on élevait des épaulements.

Mais une fusillade éclata, dans le bas de Floing, tout de suite éteinte du reste, et la compagnie du capitaine Beaudoin reçut l’ordre de se reporter de trois cents mètres en arrière. On arrivait dans un vaste carré de choux, lorsque le capitaine cria, de sa voix brève :