Page:Zola - La Débâcle.djvu/240

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— Tous les hommes par terre !

Il fallut se coucher. Les choux étaient trempés d’une abondante rosée, leurs épaisses feuilles d’or vert retenaient des gouttes, d’une pureté et d’un éclat de gros brillants.

— La hausse à quatre cents mètres, cria de nouveau le capitaine.

Alors, Maurice appuya le canon de son chassepot sur un chou qu’il avait devant lui. Mais on ne voyait plus rien, ainsi au ras du sol : des terrains s’étendaient, confus, coupés de verdures. Et il poussa le coude de Jean, allongé à sa droite, en demandant ce qu’on fichait là. Jean, expérimenté, lui montra, sur un tertre voisin, une batterie qu’on était en train d’établir. Évidemment, on les avait postés à cette place pour soutenir cette batterie. Pris de curiosité, Maurice se releva, désireux de savoir si Honoré n’en était pas, avec sa pièce ; mais l’artillerie de réserve se trouvait en arrière, à l’abri d’un bouquet d’arbres.

— Nom de dieu ! hurla Rochas, voulez-vous bien vous coucher !

Et Maurice n’était pas allongé de nouveau, qu’un obus passa en sifflant. À partir de ce moment, ils ne cessèrent plus. Le tir ne se régla qu’avec lenteur, les premiers allèrent tomber bien au delà de la batterie, qui, elle aussi, commençait à tirer. En outre, beaucoup de projectiles n’éclataient pas, amortis dans la terre molle ; et ce furent d’abord des plaisanteries sans fin sur la maladresse de ces sacrés mangeurs de choucroute.

— Ah bien ! dit Loubet, il est raté, leur feu d’artifice !

— Pour sûr qu’ils ont pissé dessus ! ajouta Chouteau, en ricanant.

Le lieutenant Rochas lui-même s’en mêla.

— Quand je vous disais que ces jean-foutre ne sont pas même capables de pointer un canon !