venait la grande cohésion de la batterie entière, une solidité et une tranquillité de bon ménage.
Parmi le 106e, des acclamations avaient accueilli la première salve. Enfin, on allait donc leur clouer le bec, aux canons Prussiens ! Tout de suite, il y eut pourtant une déception, lorsqu’on se fut aperçu que les obus restaient en chemin, éclataient pour la plupart en l’air, avant d’avoir atteint les broussailles, là-bas, où se cachait l’artillerie ennemie.
— Honoré, reprit Maurice, dit que les autres sont des clous, à côté de la sienne… Ah ! la sienne, il coucherait avec, jamais on n’en trouvera la pareille ! Vois donc de quel œil il la couve, et comme il la fait essuyer, pour qu’elle n’ait pas trop chaud !
Il plaisantait avec Jean, tous deux ragaillardis par cette belle bravoure calme des artilleurs. Mais, en trois coups, les batteries prussiennes venaient de régler leur tir : d’abord trop long, il était devenu d’une telle précision, que les obus tombaient sur les pièces françaises ; tandis que celles-ci, malgré les efforts pour allonger la portée, n’arrivaient toujours pas. Un des servants d’Honoré, celui de la bouche, à gauche, fut tué. On poussa le corps, le service continua avec la même régularité soigneuse, sans plus de hâte. De toutes parts, les projectiles pleuvaient, éclataient ; et c’étaient, autour de chaque pièce, les mêmes mouvements méthodiques, la gargousse et l’obus introduits, la hausse réglée, le coup tiré, les roues ramenées, comme si ce travail avait absorbé les hommes au point de les empêcher de voir et d’entendre.
Mais ce qui frappa surtout Maurice, ce fut l’attitude des conducteurs, à quinze mètres en arrière, raidis sur leurs chevaux, face à l’ennemi. Adolphe était là, large de poitrine, avec ses grosses moustaches blondes dans son visage rouge ; et il fallait vraiment un fier courage pour ne pas même battre des yeux, à regarder ainsi les obus venir droit