Par terre, roulé dans la couverture, Jean s’agita. Étonné, il finit par s’asseoir sur son séant.
— Quoi donc, mon petit ?… Tu es malade ?
Puis, comprenant que c’étaient encore des idées à coucher dehors, selon son expression, il se fit paternel.
— Voyons, qu’est-ce que tu as ? faut pas se faire pour rien un chagrin pareil !
— Ah ! s’écria Maurice, c’est bien fichu, va ! nous pouvons nous apprêter à être Prussiens.
Et, comme le camarade, avec sa tête dure d’illettré, s’étonnait, il tâcha de lui faire comprendre l’épuisement de la race, la disparition sous le flot nécessaire d’un sang nouveau. Mais le paysan, d’une branle têtu de la tête, refusait l’explication.
— Comment ! mon champ ne serait plus à moi ? je laisserais les Prussiens me le prendre, quand je ne suis pas tout à fait mort et que j’ai encore mes deux bras ?… Allons donc !
Puis, à son tour, il dit son idée, péniblement, au petit bonheur des mots. On avait reçu une sacrée roulée, ça c’était certain ! Mais on n’était pas tous morts peut-être, il en restait, et ceux-là suffiraient bien à rebâtir la maison, s’ils étaient de bons bougres, travaillant dur, ne buvant pas ce qu’ils gagnaient. Dans une famille, lorsqu’on prend de la peine et qu’on met de côté, on parvient toujours à se tirer d’affaire, au milieu des pires malechances. Même il n’est pas mauvais, parfois, de recevoir une bonne gifle : ça fait réfléchir. Et, mon Dieu ! si c’était vrai qu’on avait quelque part de la pourriture, des membres gâtés, eh bien ! ça valait mieux de les voir par terre, abattus d’un coup de hache, que d’en crever comme d’un choléra.
— Fichu, ah ! non, non ! répéta-t-il à plusieurs reprises. Moi, je ne suis pas fichu, je ne sens pas ça !
Et, tout éclopé qu’il était, les cheveux collés encore par le sang de son éraflure, il se redressa, dans un besoin