avait fini par descendre de la terrasse, repris d’une fringale, d’une de ces faims nerveuses, que la fatigue exaspère ; et, comme il était retourné dans la cuisine pour boire quelque chose de chaud, il venait de trouver là, avec la cuisinière, un parent à elle, un menuisier de Bazeilles, à qui elle servait justement du vin chaud. Alors, cet homme, un des derniers habitants restés là-bas, au milieu des incendies, lui avait conté que sa teinturerie était absolument détruite, un tas de décombres.
— Hein ? les brigands, croyez-vous ! bégaya-t-il en s’adressant à Jean et à Maurice. Tout est bien perdu, ils vont incendier Sedan ce matin, comme ils ont incendié Bazeilles hier… Je suis ruiné, je suis ruiné !
La meurtrissure qu’Henriette avait au front, le frappa, et il se souvint qu’il n’avait pu encore causer avec elle.
— C’est vrai, vous y êtes allée, vous avez attrapé ça… Ah ! ce pauvre Weiss !
Et, brusquement, comprenant, aux yeux rouges de la jeune femme, qu’elle savait la mort de son mari, il lâcha un affreux détail, conté à l’instant par le menuisier.
— Ce pauvre Weiss ! il paraît qu’ils l’ont brûlé… Oui, ils ont ramassé les corps des habitants passés par les armes, ils les ont jetés dans le brasier d’une maison qui flambait, arrosée de pétrole.
Saisie d’horreur, Henriette l’écoutait. Mon Dieu ! pas même la consolation d’aller reprendre et d’ensevelir son cher mort, dont le vent disperserait les cendres ! Maurice, de nouveau, l’avait serrée entre ses bras, et il l’appelait sa pauvre Cendrillon, d’une voix de caresse, il la suppliait de ne pas se faire tant de chagrin, elle si brave.
Au bout d’un silence, Delaherche, qui regardait à la fenêtre le jour grandir, se retourna vivement, pour dire aux deux soldats :
— À propos, j’oubliais… J’étais monté vous prévenir qu’il y a, en bas, dans la remise où l’on a déposé le