Page:Zola - La Débâcle.djvu/508

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ment, que la garde nationale avait enfin délivrés, dans la crainte de voir triompher les révolutionnaires qui réclamaient la Commune. Et le journal belge ajoutait les réflexions les plus insultantes pour le grand Paris, que la guerre civile déchirait, au moment où l’ennemi était aux portes. N’était-ce pas la décomposition finale, la flaque de boue et de sang où allait s’effondrer un monde ?

— C’est bien vrai, murmura Jean tout pâle, on ne se cogne pas, quand les Prussiens sont là !

Henriette, qui n’avait rien dit encore, évitant d’ouvrir la bouche, dans ces choses de la politique, ne put retenir un cri. Elle ne pensait qu’à son frère.

— Mon Dieu ! pourvu que Maurice, qui a mauvaise tête, ne se mêle pas à toutes ces histoires !

Il y eut un silence, et le docteur, ardent patriote, reprit :

— N’importe, s’il n’y a plus de soldats, il en poussera d’autres. Metz s’est rendu, Paris lui-même peut se rendre, la France ne finira pas… Oui, comme disent nos paysans, le coffre est bon, et nous vivrons quand même !

Mais on voyait qu’il se forçait à l’espérance. Il parla de la nouvelle armée qui se formait sur la Loire, et dont les débuts, du côté d’Arthenay, n’avaient pas été très heureux : elle allait s’aguerrir, elle marcherait au secours de Paris. Il était surtout enfiévré par les proclamations de Gambetta, parti en ballon de Paris le 7 octobre, dès le surlendemain installé à Tours, appelant tous les citoyens sous les armes, parlant un langage si mâle et si sage à la fois, que le pays entier se donnait à cette dictature de salut public. Et n’était-il pas question de former une autre armée dans le Nord, une autre armée dans l’Est, de faire sortir des soldats de terre, par la seule force de la foi ? C’était le réveil de la province, l’indomptable volonté de créer tout ce qui manquait, de lutter jusqu’au dernier sou et jusqu’à la dernière goutte de sang.

— Bah ! conclut le docteur, en se levant pour partir, j’ai