solitude. Le froid était devenu si intense, que le poêle n’arrivait pas à chauffer la grande pièce nue. Quand ils regardaient par la fenêtre la neige épaisse qui couvrait le sol, ils songeaient à Maurice, enseveli, là-bas, dans ce Paris glacé et mort, dont ils n’avaient aucune nouvelle certaine. Toujours, les mêmes questions revenaient : que faisait-il, pourquoi ne donnait-il aucun signe de vie ? Ils n’osaient se dire leurs affreuses craintes, une blessure, une maladie, la mort peut-être. Les quelques renseignements vagues qui continuaient à leur parvenir par les journaux, n’étaient point faits pour les rassurer. Après de prétendues sorties heureuses, démenties sans cesse, le bruit avait couru d’une grande victoire, remportée le 2 décembre, à Champigny, par le général Ducrot ; mais ils surent ensuite que, dès le lendemain, abandonnant les positions conquises, il s’était vu forcé de repasser la Marne. C’était, à chaque heure, Paris étranglé d’un lien plus étroit, la famine commençante, la réquisition des pommes de terre après celle des bêtes à cornes, le gaz refusé aux particuliers, bientôt les rues noires, sillonnées par le vol rouge des obus. Et tous deux ne se chauffaient plus, ne mangeaient plus, sans être hantés par l’image de Maurice et de ces deux millions de vivants, enfermés dans cette tombe géante.
De toutes parts, d’ailleurs, du Nord comme du Centre, les nouvelles s’aggravaient. Dans le Nord, le 22e corps d’armée, formé de gardes mobiles, de compagnies de dépôt, de soldats et d’officiers échappés aux désastres de Sedan et de Metz, avait dû abandonner Amiens, pour se retirer du côté d’Arras ; et, à son tour, Rouen venait de tomber entre les mains de l’ennemi, sans que cette poignée d’hommes, débandés, démoralisés, l’eussent défendu sérieusement. Dans le centre, la victoire de Coulmiers, remportée le 9 novembre par l’armée de la Loire, avait fait naître d’ardentes espérances : Orléans réoccupé, les