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Page:Zola - La Débâcle.djvu/513

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si saugrenues, que le capitaine, hors de lui, finit par couper court.

— En voilà assez ! Vous êtes averti, prenez garde !… Et il y a autre chose, nous vous soupçonnons, dans ce village, de faire tous bon accueil aux francs-tireurs des bois de Dieulet, qui nous ont encore tué une sentinelle avant-hier… Entendez-vous, prenez garde !

Quand les Prussiens furent partis, le père Fouchard haussa les épaules, avec un ricanement d’infini dédain. Des bêtes crevées, bien sûr qu’il leur en vendait, il ne leur faisait même manger que de ça ! Toutes les charognes que les paysans lui apportaient, ce qui mourait de maladie et ce qu’il ramassait dans les fossés, est-ce que ce n’était pas bon pour ces sales bougres ?

Il cligna un œil, il murmura d’un air de triomphe goguenard, en se tournant vers Henriette rassurée :

— Dis donc, petite, quand on pense qu’il y a des gens qui racontent, comme ça, que je ne suis pas patriote !… Hein ? qu’ils en fassent autant, qu’ils leur foutent donc de la carne, et qu’ils empochent leurs sous… Pas patriote ! mais, nom de Dieu ! j’en aurai plus tué avec mes vaches malades que bien des soldats avec leurs chassepots !

Jean, lorsqu’il sut l’histoire, s’inquiéta pourtant. Si les autorités allemandes se doutaient que les habitants de Remilly accueillaient les francs-tireurs des bois de Dieulet, elles pouvaient d’une heure à l’autre faire des perquisitions et le découvrir. L’idée de compromettre ses hôtes, de causer le moindre ennui à Henriette, lui était insupportable. Mais elle le supplia, elle obtint qu’il resterait quelques jours encore, car sa blessure se cicatrisait lentement, il n’avait pas les jambes assez solides pour rejoindre un des régiments en campagne, dans le Nord ou sur la Loire.

Et ce furent alors, jusqu’au milieu de décembre, les journées les plus frissonnantes, les plus navrées de leur