disant qu’un sac troué, c’était trop bon pour un Prussien. Mais Cabasse et Ducat eurent toutes les peines du monde à faire entrer Goliath dans ce sac : le corps était trop gros, trop long, et les pieds dépassèrent. Puis, on le sortit, on le chargea sur la brouette qui servait à charrier le pain.
— Je vous donne ma parole d’honneur, déclara Sambuc, que nous allons le foutre à la Meuse !
— Surtout, insista Fouchard, collez-lui deux bons cailloux aux pattes, que le bougre ne remonte pas !
Et, dans la nuit très noire, sur la neige pâle, le petit cortège s’en alla, disparut, sans autre bruit qu’un léger cri plaintif de la brouette.
Sambuc jura toujours sur la tête de son père qu’il avait bien mis les deux bons cailloux aux pattes. Pourtant, le corps remonta, les Prussiens le découvrirent trois jours plus tard, à Pont-Maugis, dans de grandes herbes ; et leur fureur fut extrême, lorsqu’ils eurent tiré du sac ce mort, saigné au cou comme un pourceau. Il y eut des menaces terribles, des vexations, des perquisitions. Sans doute, quelques habitants durent trop causer, car on vint un soir arrêter le maire de Remilly et le père Fouchard, coupables d’entretenir de bons rapports avec les francs-tireurs, qu’on accusait d’avoir fait le coup. Et le père Fouchard, dans cette circonstance extrême, fut vraiment très beau, avec son impassibilité de vieux paysan qui connaissait la force invincible du calme et du silence. Il marcha, sans s’effarer, sans même demander d’explications. On allait bien voir. Dans le pays, on disait tout bas qu’il avait déjà tiré des Prussiens une grosse fortune, des sacs d’écus enfouis quelque part, un à un, à mesure qu’il les gagnait.
Henriette, quand elle connut toutes ces histoires, fut terriblement inquiète. De nouveau, redoutant de compromettre ses hôtes, Jean voulait partir, bien que le