pour l’aider dans ce travail, un jeune homme, échoué chez lui à la suite de la bataille, le fils d’un de ses clients. Edmond Lagarde, grandi à Passy, dans la petite boutique de nouveautés de son père, sergent au 5e de ligne, à peine âgé de vingt-trois ans, et n’en paraissant guère que dix-huit, avait fait le coup de feu en héros, avec un tel acharnement, qu’il était rentré, le bras gauche cassé par une des dernières balles, vers cinq heures, à la porte du Ménil ; et Delaherche, depuis qu’on avait évacué les blessés de ses hangars, le gardait, par bonhomie. C’était de la sorte qu’Edmond faisait partie de la famille, mangeant, couchant, vivant là, guéri à cette heure, servant de secrétaire au fabricant de drap, en attendant de pouvoir rentrer à Paris. Grâce à la protection de ce dernier, et sur sa formelle promesse de ne pas fuir, les autorités prussiennes le laissaient tranquille. Il était blond, avec des yeux bleus, joli comme une femme, d’ailleurs d’une timidité si délicate, qu’il rougissait au moindre mot. Sa mère l’avait élevé, s’était saignée, mettant à payer ses années de collège les bénéfices de leur étroit commerce. Et il adorait Paris, et il le regrettait passionnément devant Gilberte, ce Chérubin blessé, que la jeune femme avait soigné en camarade.
Enfin, la maison se trouvait encore augmentée du nouvel hôte, M. de Gartlauben, capitaine de la landwehr, dont le régiment avait remplacé à Sedan les troupes actives. Malgré son grade modeste, c’était là un puissant personnage, car il avait pour oncle le gouverneur général installé à Reims, qui exerçait sur toute la région un pouvoir absolu. Lui aussi se piquait d’aimer Paris, de l’avoir habité, de n’en ignorer ni les politesses ni les raffinements ; et, en effet, il affectait toute une correction d’homme bien élevé, cachant sous ce vernis sa rudesse native. Toujours sanglé dans son uniforme, il était grand et gros, mentant sur son âge, désespéré de ses quarante-